Opinion  Square Viger

Un lieu historique à remettre en valeur

Les villes sont en continuelle évolution et les lieux qui leur assurent une cohérence, préservent leur identité et leur confèrent des significations sont principalement des lieux publics tels des parcs, places et boulevards. New York ne serait pas New York sans Central Park et Paris ne serait pas Paris sans le boulevard des Champs-Élysées.

À l’occasion, ces lieux publics nécessitent d’être réaménagés pour répondre à l’évolution de la ville. Le réaménagement récent de la place d’Armes, avec l’empreinte de la première église Notre-Dame inscrite dans le pavé, est révélateur de ce changement dans la continuité. Il en va de même avec le réaménagement du square Victoria lors de la réalisation du projet du Quartier international. Dans ces deux cas, c’est la réappropriation spontanée de ces deux places publiques par la population qui témoigne le mieux de la pertinence et de la qualité de ces nouveaux aménagements. Mais, il faut en être conscient, il est impossible d’aboutir à de tels résultats sans prendre appui sur des études sérieuses et faire appel à des professionnels fort compétents.

L’avenir du square Viger s’inscrit dans la même logique. À l’origine, au début du XIXe siècle, ce fut un square de conception britannique pour la bonne raison que la bourgeoisie anglo-saxonne de l’époque s’était regroupée près des installations militaires situées au Faubourg Québec. Puis, la bourgeoisie canadienne-française s’est approprié ce lieu, grâce notamment à la présence de l’Université de Montréal au Quartier latin.

Au début du XXe siècle, le square Viger s’avérait remarquable pour son aménagement, et cela, à l’échelle du Canada.

Avec le déplacement de l’Université vers le flanc nord du mont Royal, suivi par celui des classes aisées, la situation a changé et l’aménagement du square s’est dégradé, entre autres à cause de son sectionnement avec le passage de la rue Berri. Vint ensuite l’insertion de l’autoroute Ville-Marie en souterrain, laquelle nécessita des tours de ventilation. Ce n’est pas tant les besoins de la population que celui de camoufler ces installations qui fut à l’origine du projet de l’agora réalisé par l’artiste Charles Daudelin. Le mot agora, emprunté au grec, veut dire « lieu de réunion ». Dans les faits, comme on le sait, il s’agit davantage aujourd’hui d’un lieu d’exclusion.

UNE NOUVELLE DYNAMIQUE

Les choses se sont nettement améliorées depuis un demi-siècle dans ce secteur est du centre-ville : l’UQAM s’y est installée, le Faubourg Québec s’est repeuplé et les installations du CHUM couronnent cette évolution. Voilà une occasion unique de faire du square Viger le symbole de cette renaissance urbaine, à l’exemple de la place d’Armes et du square Victoria. Montréal étant une métropole désignée Ville UNESCO de design, ce n’est cependant pas avec un projet médiocre que bouderait une ville de province que l’on va y arriver.

Pour comprendre les forces qui furent dans le passé porteuses des qualités d’aménagement du square Viger et celles qui, aujourd’hui, assureront son avenir, ce réaménagement ne peut se limiter à l’agora actuelle et doit inclure l’ensemble des quatre îlots qui le composent et prendre appui sur des études approfondies, notamment sur le plan morphologique. Et comme Montréal héberge des professionnels dans le domaine du design urbain et de l’architecture de paysage qui comptent parmi les plus réputés au pays, c’est à eux qu’il faut s’adresser. C’est à ce prix que l’œuvre de Charles Daudelin pourra connaître une mise en valeur cohérente et que les citoyens pourront enfin profiter d’une place publique digne d’une grande métropole.

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